En construction ! Bientît plus de chats 🐈

L'éternel recommencement

En Ă©criture ! BientĂŽt plus de chats 🐈

Mercantile déconstruction

Notre monde partage beaucoup de lui, et notamment de sa crĂ©ation, de maniĂšre digitalisĂ©e, sur des plateformes. C'est simple : il suffit d'ouvrir un rĂ©seau pour ĂȘtre inondé·e de contenus en tous genres - peintures, poĂšmes, dessins, romans, vidĂ©os, essais... Pour peu que l'on accepte de prendre le temps de chercher un peu, au-delĂ  de ce que nous recommandent presque par dĂ©faut nos algorithmes et bulles de filtres, on peut tout trouver.

L'offre est si vaste, Ă  vrai dire, que c'en est vertigineux. Chaque minute, des centaines d'heures de vidĂ©o sont tĂ©lĂ©chargĂ©es sur YouTube. Des millions de mots sont Ă©changĂ©s sur la toile. On regarde, on partage parfois, mais on consomme surtout. Et pour ĂȘtre consommé·e, en tant qu'artiste (mĂȘme si je n'ai pas la prĂ©tention de me ranger sous ce terme) on doit pouvoir se glisser pour atteindre la surface de cet ocĂ©an de contenus.

Pour y parvenir, plusieurs moyens s'offrent Ă  nous, qui se dĂ©coupent en plusieurs Ă©tapes. Le choix de la plateforme en est un, quand bien mĂȘme pour chaque type de crĂ©ation un ensemble d'habitudes s'est formĂ©e parmi le spectorat. Ce qui compte peut-ĂȘtre le plus, c'est la maniĂšre dont on s'insĂšre sur la plateforme - comment on se dĂ©marque sans ĂȘtre en rupture. Faire une miniature qui soit dans la veine de ce qui existe ailleurs, sans donner la sensation d'ĂȘtre une pĂąle copie des centaines d'autres vidĂ©os qui inondent un flux parmi lequel le choix de regarder cette vidĂ©o ci plutĂŽt que celle-lĂ  se fait en quelques fractions de seconde : rendre vendeur ce que l'on donne - promettre avant d'offrir.

Si l'on promet trop et que l'on ne distribue pas, la sanction est immĂ©diate ; et si l'on promet trop peu alors que l'on donne, personne ne regardera. Pris au milieu de cette Ă©trange dualitĂ©, la crĂ©ation rĂ©flĂ©chit comment exister : pour ĂȘtre consommĂ©e, elle doit ĂȘtre un contenu. C'est-Ă -dire quelque chose qui se trouve dans un contenant (l'emballage qui donne envie) qui lui-mĂȘme est une proposition au sein d'une plateforme. En fait, mĂȘme pour qui n'a rien Ă  vendre, iel doit penser comme si : faire le jeu de la plateforme pour ĂȘtre sĂ©lectionné·e.

Sauf que. Ce raisonnement est fallacieux, car ses prĂ©misses sont infondĂ©s. Pourquoi aurait-on forcĂ©ment besoin d'ĂȘtre vu·e ? Une bonne part des interactions avec le public ne se fait que par un noyau solide - quelques membres de communautĂ© qui suivront tout avec la plus grande des attentions, et ce que l'on ait dix ou mille personnes qui nous suivent. Massifier le rapport ne donne que des chiffres, et n'offre ni bonheur, ni interaction - ce qu'est pourtant la crĂ©ation, un processus d'expĂ©rimentation du devenir soi, parfois prolongĂ© d'une communion avec autre que soi par l'intermĂ©diaire de ce qui a Ă©tĂ© créé.

Car le problĂšme de fond, c'est que ce n'est pas qu'une question d'habillage, de dĂ©corum - c'est aussi une question de ce qui est Ă  l'intĂ©rieur : de contenu. Pour toucher plus large, il faut ĂȘtre plus gĂ©nĂ©rique, consensuel·le. Ce ne sera pas le cas pour tou·te·s, mais dans mon cas, ce serait un vĂ©ritable travail de conformation (et en quelque sorte une perversion de ce que je fais) que de chercher Ă  parler Ă  un plus grand nombre. Ce serait nier des rĂ©alitĂ©s internes, intimes et personnelles qui m'accompagnent au quotidien pour un peu de reconnaissance sur le moment, qui se traduirait possiblement en chiffres mais pas pour autant en substantiels Ă©changes.

En consĂ©quence et connaissance de cause, personnellement, je souhaite prendre ce tournant : arrĂȘter de penser la crĂ©ation comme contenu. En faisant cela, j'accepte que ma visibilitĂ© en sera moindre ; je me rends moins accessible, mais ce en l'Ă©change d'une crĂ©ation plus authentique, et donc bien plus pourvue de sens. Ces questionnements ont hantĂ© mes pas plusieurs mois durant - avec l'Ă©criture de mon livre, je me suis beaucoup interrogĂ© sur le degrĂ© auquel je devais accepter des potentielles modifications d'un·e Ă©diteur·ice, dĂ©construire mon langage au style si singulier pour le rendre plus engageant, forcer des messages Ă  chaque paragraphe pour remplir une exigence de sens qui ne me parle guĂšre.

J'ai conduit des relectures, et une part non-nĂ©gligeable de celles-ci m'avaient laissĂ© Ă  penser que je devais radicalement trancher et réécrire dans mon livre - si c'est tout de mĂȘme ce que je fais, je ne le fais pas obligatoirement sur tous les points qui m'ont Ă©tĂ© signalĂ©s. Je dois conserver une forme d'hermĂ©tisme dans ce livre - non par Ă©litisme, mais parce que cela sert le propos du livre, et incarne ce qui en fait quelque chose de singulier. En m'engageant dans cette voie, je renonce Ă  beaucoup : pas de maison d'Ă©dition, et une quasi-certitude que mon livre ne sera pas lu. Est-ce pour autant une perte ? Je ne pense pas. Proposer le livre sous une autre forme m'aurait coĂ»tĂ© bien plus que je ne peux l'imaginer (alors que simplement m'y projeter aprĂšs les relectures m'avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© insupportable) et n'aurait Ă©tĂ© ni authentique, ni honnĂȘte. Et surtout, je n'aurais pas vĂ©cu la mĂȘme expĂ©rience transformatrice que ce parcours m'a fait vivre - et il appartiendra Ă  un Ă©ventuel lectorat que de s'emparer de la suite.

Section 2

Whoa; une seconde section !!!